Deux textes de Jean-Paul Gavard Perret

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GEORGES BADIN : L’EXCES PEINTURE

Les mots manquent toujours à la langue. Pas aux images. Aux images de Georges Badin. Elles creusent des trous dans le réel et obligent ceux qui ont le vertige à rebâtir des tours pour tenter de dire, d’en haut, ce que le vertige de la peinture provoque et comment elle provoque bruits et crissements.

Georges Badin mène toujours à travers des chemins singuliers, dans la peinture, par elle qu’il arrache à la masse des formes pour traduire « du » silence auquel il donne un fond. Et si son œuvre met à mal l’objet peinture c’est toujours du dedans. Par affrontement de la peinture, dedans.

Chez lui elle demeure en perpétuel mouvement. Pour faire la clarté, pour dégager. Car elle ne recouvre pas. D’où le goût de l’artiste pour l’acrylique plutôt que l’huile qui bloque de son intime croyance. La seule question est de savoir ce que représente cet excès peinture.

Ne s’agit-il pas « simplement » d’entrer dans les veines du noir, dans la nuit ? La nuit du cœur qu’il faut toucher non des mains mais par la brosse, en la plongeant au plus profond de l’abîme de l’existence.

Nous descendons dans la coulée et la reprise, l’impuissance et la puissance. La peinture n’est plus le gluant des pommades qui masque les plaies. Badin ne fait le deuil de rien. Il pénètre la soute des possibles et il les risque. Mais rien ne vient recouvrir ou boucher le trou des questions.

Le peintre prend acte du crack de la peinture mais pour lui il n’a rien de définitif. C’est une dépression par laquelle il la pousse plus loin. Certes, il admet que la peinture n’est que ce qui reste mais c’est pour lui toujours et encore un effort de clarté.

Chaque poussée engendre plusieurs « découpes », « restes » (si l’on veut) mais subsiste une tension qui vise à porter la peinture au plus près de ses limites, des impulsions secrètes qui l’organisent, là où le muscle et l’esprit ne s’oppose pas. Dans une zone d’avant la distinction de l’âme et du corps.

Dans la peinture de Georges Badin bat un rythme. Cela donne un caractère particulier à son œuvre dans son suspens du sens où la vie se rue. Ce hors sens s’ajoute au temps afin de le faire jouer, pour le resynchroniser. Ce ne sera jamais bon, ce ne sera jamais finit, mais il y a là un oui à la vie et au jouir, à la chair des femmes nues et à leur lumière.

Décidément ce « reste » (mais cet excès aussi)  est toujours ce qui sauve.

GEORGES BADIN ou LA MAISON DU SOUFFLE

La peinture digne de ce nom porte la lumière en elle, elle fabrique l’œil là où il n’y a rien. L’œil soudain mord ce rien et le rien crisse.

La peinture habitée par le cri découvre l’étincelle au cœur de son mouvement et de son impatience, à coups de pieds et de dents, dedans, où il y a quelque chose qui brille.

Rides, traînées, coulures, signes, cri du nouveau-né, rugissement d’un lion doré. La peinture n’aime que les rêves que l’on peut partager.

Le pont du ciel tremble : le peintre en devient le grutier inconnu qui salue et dont sa maison de l’être est à moitié soulevée par des hélices de lumières.

Le peintre n’arrive jamais au bout de rien, ça le distingue des dieux qui se reposent une fois accomplie leur création.

Mais son œuvre inachevée devient monde. Rarement, très rarement, il la quitte en état d’apesanteur. Jamais, jamais il ne renonce à se servir de ses ailes même si depuis longtemps il ne les voit plus.

Il aura tenté d’entrer par effraction dans le silence de l’univers. Il n’a pas de destin : il peint.