Le ciel est pour l’oiseau, entièrement en ses vols
by b
Un texte de Georges Badin
Il a ces zébrures en lui qui ne l’effacent pas mais au contraire lui donnent toutes ses nuances du lever au coucher du soleil. Les couleurs, le bleu à côté du jaune, sont posées de façon rectiligne, ininterrompue et, comme les notes dans les mélodies de Robert Schumann, qui font se lever le souvenir de Clara, il a des moments de lumière dont il ne subit pas les arrêts, toujours en retrait pour qu’il devienne presque irrésistible.
L’oiseau est dans l’arbre, faisant ainsi que le ciel et son passage ont disparu, que les lieux traversés sont lointains, images perdues.
Son chant pour le peintre, des courbes sur la feuille du carnet à dessin, des évasements, des grilles ou des filets dans l’eau imaginaire… Serait-il sans qu’il y prenne garde mais en y consentant envieux du désir comme l’oiseau l’eut de ne pas s’arrêter ?
Les descriptions notées sur les pages du carnet à dessin par la main du « teinturier des Muses » (Michel Butor), avec un rythme variable, passages musicaux semblables à ceux de la 6ème symphonie de Beethoven: descentes, à terre, montées acceptées par le ciel, toujours soumises, ces variations, à des lieux : le jardin de l’enfance divisé en quatre carrés, le rond du milieu surélevé et accaparé par le tronc massif du magnolia et les fleurs et les feuilles offertes, surfaces lisses, brillantes, veloutées étendaient autour de ce tronc comme autant d’invitations à sentir le matin et ce qui a duré jusqu’à ce temps d’aujourd’hui et persistera, c’est la fleur-présence, étalée, presque offerte mais belle pour elle-même. Et le bassin – jet d’eau, rocher – autour duquel l’enfant tournait suivant du regard les parcours, les sillages des poissons.
Si l’amour qu’il a plus fort pour Clara s’éloigne – et Schumann en a conscience – les notes sont là, les unes après les autres plus pressantes, le rappellent à cet ordre de l’amour, création continue avec des blancs de divertissement.
Sur les toiles le partage en quatre carrés est même lieu que celui du jardin et les couleurs, vert, jaune, rouge, terre de Sienne auront ses désirs du jour. L’inversion jouera et il se rappelle avec une certaine joie ces phrases de Michel Butor : « Vous nagez dans la peinture, vous écrivez sur la mer » – ç’aurait pu être « sur le jardin ».
Pas d’oubli pour cette terre dont le seul occupant était l’enfant, à bêcher pour l’assouplir, à planter des fraisiers, à désherber, à faire brûler les feuilles de platane, lien ténu avec la toile carrée, la feuille de papier, le bois (rien pourtant qui ne ressemble davantage aux surfaces nues) pour que les images de ce temps soient vives, augmentées.
Actes de foi qui ont prise sur vous : elle (la foi) vous surprend, ne vous lâche pas par ses intonations que vous faites notes, ensemble si l’on peut dire cette union
Ces actes de foi vous font songer à la douceur de vivre avec eux.
« Du bleu se prend au vert dans la nuit de l’herbe » (« Branches basses »Yves Bonnefoy, l’Herne), un acte de foi où tout cours d’eau commence.
Georges Badin