C’est un moteur-torero-boxeur
Lorsqu’un poète se met à écrire sur un peintre, tout peut arriver. De l’emballement au déballage, il peut multiplier ses effets…Il peut en rajouter dans la couleur, creuser la profondeur, en surajouter dans la forme et paraphraser à n’en plus finir le non dit d’un peintre de toile en toile en oubliant sa peinture ! Le poète s’allume à la moindre étincelle, il doit se méfier de ce penchant incendiaire. Ce que je préfère, pour ne pas prendre ce risque, est d’écrire avec le peintre. Alors, avec Georges, je travaille en toute liberté cette écriture commune. Sa grande générosité, sa franchise des couleurs, sa carte génétique, me donnent de l’air. Avec lui, mon écriture est physique, musclée, charpentée, fébrile, véhémente au possible, emportée. Georges en est le moteur efficace. Il tient le cap, direction l’origine du geste pour l’empreinte fondamentale. Georges est aussi un boxeur. Ses coups portent au ventre et à l’œil. Au ventre de l’œil donc. Il m’entraîne à cela. À encaisser sa matière, sa manière, son caractère, sa brutalité est exigeante. De sa force motrice il muscle mon allant. Affermit mon phrasé. On en a plein la bouche de sa peinture. Ce n’est pas du sang, c’est de la peinture. Il nous demande de venir vers lui. Il se signe à chaque instant, nous excite avec quelques courbes noires et nous fait traverser des territoires peuplés de mouvances circulatoires et de vibrations. Avec quelques roses bien placés, il nous nargue comme le ferait encore un torero avec sa muleta, palette de toutes les audaces. Moteur-torero-boxeur, il nous tourne autour. Il étend son emprise. Il dôme notre vision d’un vert venu du fond de l’espace. Il le retourne pour en faire un rouge venu du fond du masque. Il crée une tension entre le paysage intime et celui que tout le monde croit connaître. On balbutie avec lui. On propose, on renvoie dans les cordes, et pour finir on se prend un uppercut au cœur. C’est dans le cœur de toutes choses qu’il faut frapper, recevoir sa couleur. Georges le sait, il vise là où ça chante, où ça brasse, où ça carbure. Il faut continuer, délier son esprit, être vif à vif. Même à terre on voit les pieds de l’aube blanche danser sur les braises.
Tiens, le poète commence à s’emballer ! Où es-tu Georges ?
Alors bondir avec le jaune et saisir la chance du bleu. Georges est un éclatant qui nous déchire de son innocence maitrisée. Il nous rattrape.
Le poète revient violemment à l’homme qui l’impressionne !
Il sait ce qu’il produit, il fait ce qu’il voit. Il voit ce qu’il veut dire. Avec Georges, la peinture est une mécanique ondulatoire, un ring de lumière, une arène de couleurs. L’œil en alerte il joue sa vie.
Joël Bastard