La tentation

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Texte de Georges Badin écrit à propos de 10 toiles grand format peintes par Georges Badin avec des photographies d’Eric Coisel

La tentation, non pas pour que vous y succombiez, mais qu’elle vous tienne aussi vive dans son haleine.

« Le démon l’emmena alors plus haut et lui fit voir d’un seul regard tous les royaumes de la terre. Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes car cela m’appartient et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes, tu auras tout cela. » (Evangile selon Saint Luc)

Le photographe, le peintre ne sont à vrai dire ni Satan ni Dieu et les mots prononcés dans l’évangile ne seront jamais les leurs. Les deux images qu’ils offrent ne sont pas prises dans une alternative, ce qui leur assurera des lectures sans cesse renouvelées. Aucune vérité qui serait fixe dans une durée mais des vérités grâce aux regards, à leur position dans la lumière ou leur saisissement par l’ombre, peut-être aller jusqu’à les assimiler aux vents marins : sans assises, sans aucun arrêt, mus dans le transport ou le passage ou le tumulte.

Le photographe sait qu’il n’a pas à choisir, mais seulement à ne pas être satisfait de ce qu’il a par surprise ou par intérêt photographié, de la bouche entrouverte, fermée, du visage attentif aux seins séparés et de là, sans aucune chute, au sexe ou aux « fesses joyeuses » (Verlaine). Qui lui dira qu’il a réussi,c’est-à-dire qu’il a attiré le oui du regard sans hésitation, ne fût-ce qu’un instant qui serait ainsi d’éternité ? Où se situer, comment continuer à choisir sinon dans le désir premier qu’il a voulu novateur ? S’il renonce à être résolu, il se perdra dans les formes qui se répètent.

Quant au peintre, abandonner la représentation, c’est une question de vie ou de mort. La mémoire serait alors tout le réservoir des images qui attendent.

Des voyeurs, masculins, féminins, scrutant l’image, sont tenus par la naissance du paysage et rien de ce qu’ils peuvent imaginer ne leur échappera. Il y a là un lieu de l’origine repris et complété comme il le fut pour la première image.

Sur la croix ou la croisée de la fenêtre, avec les fragments de corps que le photographe aura déposés et collés, ce sera pour les regards un retour, un voyage vers des images connues ou qu’il désirera connaître. Naître, serait-ce pour vous recommencer, sans prévisions ni doutes, ni temps de pause ?

La tentation, son déploiement. Vous appelle-t-elle, comme l’oiseau, avec si peu de notes qu’elle vous entoure, si fort que vous ne la nommerez pas, ne pourrez pas écrire : « mon amour » ? Ces paroles : en se dévêtant comme si elle voulait un territoire absolu.

Georges Badin