LE FLEUVE

by b

Un texte de Jean-Paul Gavard-Perret

Il écrit la descente au coeur de ce monde. Il parle d’une pente. Après la neige il remonte en cette oblique où n’est que le silence parmi les cailloux et le harcèlement des graminées. En cette oblique au plus près de son corps. Au plus près de son corps la langue entame l’argile. Comme si le ventre délivrait le bélier de la langue. A l’extrémité de la pente, en son pied le fleuve. Étranglement des limites. Infini de l’horizon. Pure charge des alluvions. Creusant l’invisible jusqu’à l’avalanche ans cette floculation de brindilles et de débris de roches. Il écrit la descente au coeur de ce monde. Le dernier fleuve d’un corps qui n’a que son nom. Corps fléché mêlé d’étoiles. Une graine glissée dans les cieux. Il est au centre. Il est noyé. Oeil ouvert. Œil fermé. Le lit. le fleuve amour, le fleuve immense. Langue enchevêtrée jusqu’au silence. L’avalanche. L’espace en fusion, la profondeur de l’auge. Ainsi jusqu’à ce que la langue redevienne muette (se détachant de ses lèvres). Démantelée. Là. Cette lumière. A proximité. En elle. Dans la patience du feu, l’inversion de la nuit. la nudité du fleuve, l’approche du sommeil, la f(l)amme prolongée.

Jean-Paul Gavard-Perret